Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/290

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je donnerai Olivier et Tristan au diable, s’il en veut ; je supprimerai les bourreaux ».

Et comme Blanchette, à ces mots, frétillait plus joyeuse et plus caressante que jamais : « Je ferai, poursuivit-il gaîment, quelque chose aussi pour toi, Blanchette : je supprimerai les chats ».

Tous deux éclatèrent de rire à cette saillie ; mais leur accès de pétulante gaîté n’eut que la durée d’un éclair. Ils s’arrêtèrent tout à coup, et se regardèrent avec épouvante ; car il leur avait semblé que d’autres éclats de rire, trop différents des leurs pour en être un écho, retentissaient à côté d’eux dans l’ombre… Ils finirent néanmoins par se rassurer.

« Espérance et courage ! » dit alors le dauphin au jeune duc en lui tendant la main en signe d’adieu. La pauvre captif se souleva pour saisir et presser cette main consolante ; mais ses membres, engourdis par une longue torture, servirent mal son pieux désir. Il poussa un cri de douleur, et retomba sur son escabeau : « Mon Dieu ! quand donc serai-je roi ? » ne put s’empêcher de dire le jeune prince ému jusqu’aux larmes.

« Bientôt, Dieu le veuille ! dit Nemours. — Jamais ! » répliqua un troisième interlocuteur, jusqu’alors invisible. Et Louis XI parut, puis Tristan, puis Coictier, et quelques autres familiers du vieux roi. A la lueur d’une lanterne qu’un d’eux avait tenue jusqu’alors cachée sous son manteau, le dauphin put voir le terrible vieillard s’avancer à pas lents, comme un spectre, en murmurant ces mots, entrecoupés par une toux opiniâtre. « Ah ! galant damoiseau, tu fais de mon vivant les doux yeux à ma couronne !… Ah ! fils pieux et prévoyant, tu songes d’avance