Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome second, 1750.djvu/245

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Lui qui, toujours coupable et toujours impuni,
Veut, ce que n’eût oſé l’univers réuni,
Subjuguer les romains ? ô vous, que Rome adore,
Et qui par vos vertus la ſoutenez encore,
Vous, l’appui du ſénat et l’exemple à la fois,
Incorruptible ami de l’état et des lois,
Parlez, divin Caton.

C A T O N.

Parlez, divin Caton. Et que pourrais-je dire
En des lieux où l’honneur ne tient plus ſon empire,
Où l’intérêt, l’orgueil, commandent tour à tour,
Où la vertu n’a plus qu’un timide ſéjour,
Où de tant de héros je vois flétrir la gloire ?
Et comment l’univers pourra-t-il jamais croire
Que Rome eut un ſénat et des légiſlateurs,
Quand les romains n’ont plus ni lois ni ſénateurs ?
Où retrouver enfin les traces de nos pères
Dans des cœurs corrompus par des mœurs étrangères ?
Moi-même, qui l’ai vu briller de tant d’éclat,
Puis-je me croire encore au milieu du ſénat ?
Ah ! De vos premiers temps rappelez la mémoire ;
Mais ce n’eſt plus pour vous qu’une frivole hiſtoire :
Vous imitez ſi mal vos illuſtres aïeux,
Que leurs noms ſont pour vous des noms injurieux.
Mais de quoi ſe plaint-on ? Catilina conſpire !