Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs forêts antiques, leur population moins nombreuse, le charme de leur grâce inculte.

À trois lieues environ de là, sur un promontoire formé par le plateau de Cernay, on aperçoit le château de Bévilliers, couvrant de son parc tout le mamelon, comme d’un manteau de verdure. Thibaut Desportes, frère du poëte et grand audiencier de France[1], y passait les beaux jours et empruntait à ce domaine le titre qu’on lui donnait habituellement dans le monde, où chacun l’appelait le sieur de Bévilliers. Le Hurepois nous offre donc les traces palpables du séjour de cette famille, témoignages que l’on aime à retrouver, car l’homme s’évanouit comme un songe ; après un laps de temps très-court, on examine avec intérêt les dernières preuves qui attestent la réalité de son existence. Le Hurepois confine d’ailleurs à la Beauce, où les deux frères avaient vu le jour, aussi bien que leur célèbre neveu, Mathurin Régnier.

Tous trois étaient nés au centre même de la province, dans la ville de Chartres. En 1546, l’harmonieux poëte débuta, comme un simple mortel, par les cris perçants dont nous avons le privilége d’assourdir les témoins de notre arrivée en ce bas monde. Son père, Philippe Desportes, et Marie Edeline, sa mère, unis légalement, appartenaient à la petite bourgeoisie. Desportes a longtemps passé pour un enfant de l’amour : les auteurs de la Gallia Christiana l’avaient rangé par méprise dans cette tribu clandestine[2]. Dreux du Radier combat victorieusement leur erreur au début de son article sur notre poëte, inséré dans le Conservateur du mois de septembre 1757. Le témoignage de Tallemant des Réaux, que l’on ne connaissait pas au dix-huitième siècle et qui fut imprimé pour la première fois en 1834, est venu depuis confirmer l’argumentation du critique.

Cependant l’assertion des bénédictins n’est peut-être pas entièrement fausse. D’aprés une tradition conservée dans une ancienne famille bretonne, ce ne serait pas lui, mais son père qui serait venu au monde par contrebande. Cette famille Desportes ou Des Portes, car on trouve son nom écrit en deux mots et en un seul, habitait la vicomté de Rohan. Son plus ancien membre connu est Guillaume Desportes, écuyer, compagnon de Du Gues-

  1. Officier de la chancellerie, chargé des rapports.
  2. Voici le passage de la Gallia Christiana : « Philippus Desportes, poeta regius, filius nothus Philippi Desportes, clerici Carnotensis, et Mariæ de Laître, rhotomagensis. » (Philippe Desportes, poëte du roi, fils bâtard de Philippe Desportes, clerc de Chartres, et de Marie de Laître, rouennaise). Tome VIII, p. 1268.