Page:Œuvres de Robespierre.djvu/206

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D’un autre côté, il est impossible que les gardes nationales deviennent elles-mêmes dangereuses à la liberté, puisqu’il est contradictoire que la nation veuille s’opprimer elle-même. Voyez comme partout à la place de l’esprit de domination ou de servitude naissent les sentiments de l’égalité, de la fraternité, de la confiance, et toutes les vertus douces et généreuses qu’ils doivent nécessairement enfanter !

Voyez encore combien, dans ce système, les moyens d’exécution sont simples et faciles !

On sent assez que pour être en état d’en imposer aux ennemis du dedans, tant de millions de citoyens armés répandus sur toute la surface de l’empire, n’ont pas besoin d’être soumis au service assidu, à la discipline savante d’un corps d’armée destiné à porter au loin la guerre ; qu’ils aient toujours à leur disposition des provisions et des armes, qu’ils se rassemblent et s’exercent à certains intervalles, et qu’ils volent à la défense de la liberté lorsqu’elle sera menacée, voilà tout ce qu’exige l’objet de leur institution.

Les cantons libres de la Suisse nous offrent des exemples de ce genre, quoique leur milice ait une destination plus étendue que nos gardes nationales, et qu’ils n’aient point d’autre force pour combattre les ennemis du dehors.

Là tout habitant est soldat, mais seulement quand il faut l’être, pour me servir de l’expression de J. J. Rousseau ; les jours de dimanche et de fête, on exerce ces milices selon l’ordre de leur rôle ; tant qu’ils ne sortent point de leurs travaux, ils n’ont aucune paie ; mais sitôt qu’ils marchent en campagne, ils sont à la solde de l’État. Quelles qu’aient été nos mœurs et nos idées avant la Révolution, il est peu de Français, même parmi les moins fortunés, qui ne pussent ou qui ne voulussent se prêter à un service de cette espèce, qu’on pourrait rendre parmi nous encore moins onéreux qu’en Suisse. Le maniement des armes a pour les hommes un attrait naturel qui redouble lorsque l’idée de