Page:Œuvres de Schiller, Histoire I, 1860.djvu/422

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ces merveilles de l’art, tous ces travaux gigantesques de l’industrie, c’est de son sein qu’ils ont été tirés. Qu’est-ce qui éveilla à la vie ces facultés, donna naissance à ces œuvres ? Quelles circonstances l’homme a t’il traversées pour arriver d’un extrême à l’autre, pour s’élever de la condition de troglodyte insociable à celle du penseur fécond, d’homme du monde, d’homme civilisé ? L’histoire universelle donne réponse à cette question.

Le même peuple, dans la même contrée, quand nous le con sidérons à des époques diverses, nous présente des différences si incommensurables ! Non moins frappante est la dissemblance que nous offre la race contemporaine dans des pays divers. Quelle variété dans les usages, les constitutions et les mœurs ! Quel soudain passage des ténèbres à la lumière, de l’anarchie à l’ordre, du bonheur à la misère, quand nous étudions seule ment l’homme dans cette petite partie du monde qui s’appelle l’Europe ! Libre sur la Tamise, et d’une liberté qu’il ne doit qu’à lui-même ; ici, indomptable entre les Alpes ; là, invaincu au milieu de ses canaux et de ses marais. Sur la Vistule, sans force et misérable par sa discorde ; au delà des Pyrénées, misérable et sans force par son indolence. Riche et heureux à Amsterdam, sans récoltes ; pauvre et malheureux dans l’inutile paradis de l’Èbre. Ici, deux peuples séparés par le vaste Océan, et rendus voisins par le besoin, l’industrie et les liens poli tiques ; là, les habitants des deux rives d’un même fleuve séparés immensément par la différence de la liturgie. Qu’est-ce qui a conduit la puissance de l’Espagne au delà de l’Océan atlantique, au cœur de l’Amérique, tandis qu’elle n’a pas même pu franchir le Tage et la Guadiana ? Qu’est-ce qui conserva en Italie et en Espagne tant de trônes ; et en France les a fait tous disparaître, hors un seul ? L’histoire universelle répond à cette question.

Qu’ici, en ce moment, nous nous trouvions réunis, et avec ce degré de culture nationale, avec cette langue, ces mœurs, ces avantages civils, cette mesure de liberté de conscience : cela même est peut-être le résultat de tous les grands événements antérieurs. Au moins faudrait-il l’histoire universelle tout entière pour expliquer ce seul moment. Pour que nous