Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/31

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deux sortes d’expériences infiniment différentes l’une de l’autre : l’expérience ordinaire, l’intuition sensible, et puis ce genre sublime d’expérience qui n’atteint plus de vaines images, mais des idées, qui pénètre au delà des accidents et nous découvre les essences ; c’est l’intuition intellectuelle.

Ici Spinoza devient réaliste, de nominaliste qu’il était tout à l’heure. À ses yeux, la pensée absolue et l’étendue absolue ne sont pas des universaux, des abstraits, mais des essences particulières et déterminées, saisies par une intuition claire et adéquate à son objet. Et la Substance n’est point le fruit tardif d’une longue suite de généralisations ce n’est point le dernier universel, le dernier abstrait ; la Substance est saisie par une intuition absolument immédiate, la plus déterminée la plus distincte, la plus adéquate de toutes.

De là l’importance que donne Spinoza aux définitions. Il les entend d’une façon toute platonicienne. La définition d’un objet, dit-il, exprime ce qu’il y a en lui de fondamental, son essence, son idée.

« Une définition pour être parfaite devra expliquer l’essence intime de la chose, de façon que toutes ses propriétés s’en puissent déduire[1].

« Or l’essence intime d’une chose, c’est son rapport à sa cause immédiate. »

Ces passages expliquent, ce nous semble, la contradiction apparente du nominalisme de Spinoza et de son réalisme. Son nominalisme ne porte que sur les images confuses des sens, sur cette généralisation bâtarde, ouvrage de l’imagination et du hasard, et qui ne représente que le dernier degré de confusion des choses.

  1. De la Réforme de l’Entendement, tome III, page 336.