Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/36

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par conséquent le plus vide de tous[1] ; elle se confondrait avec l’idée vague et confuse d’être pur, universel, sans réalité et sans fond, pensée creuse et stérile, fantôme indécis, ouvrage des sens et de l’imagination épuisée[2].

La Substance est indéterminée, en ce sens que toute détermination est une limite et toute limite une négation[3] ; mais elle est profondément et nécessairement déterminée, en ce sens qu’elle est réelle et parfaite, et possède à ce titre des attributs nécessaires, tellement unis à son essence qu’ils n’en peuvent être séparés et n’en sont pas même distingués en réalité ; car ôtez les attributs, vous ôtez l’essence de la Substance, vous ôtez la Substance elle-même.

La Substance, l’Être infini, a donc nécessairement des attributs, et chacun de ces attributs exprime à sa manière l’essence de la Substance. Or, cette essence est infinie, et il n’y a que des attributs infinis qui puissent exprimer une essence infinie. Chaque attribut de la Substance est donc nécessairement infini. Mais de quelle infinité ? d’une infinité relative et non absolue. Si en effet un attribut de la Substance était absolument infini, il serait donc l’Infini, il serait la Substance elle-même. Or il n’est pas la Substance, mais une manifestation de la Substance, distincte de toute autre manifestation, particulière et déterminée par conséquent, parfaite et infinie en elle-même, mais dans un genre particulier et déterminé d’infinité et de perfection.

Ainsi, la Pensée est un attribut de la Substance ; car

  1. Éthique, part. 2, Schol. I de la Propos. 40. Comp. Ibid., part. 4, préambule.
  2. Éthique, part. 2, Schol. 1 de Propos. 40.
  3. Lettres, tome III, pages 416, 417, 418.