Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/41

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gique et permanent, c’est la réalité du principe même qui le constitue, la réalité du moi. Cherchez la place du moi dans l’univers de Spinoza ; elle n’y est pas, elle n’y peut pas être. Le moi est-il une Substance ? non ; car la Substance, c’est l’Être en soi, l’Être absolument infini. Le moi est-il un attribut de la Substance ? pas davantage car tout attribut est encore infini, bien que d’une infinité relative. Le moi est donc un mode ; mais cela n’est pas soutenable ; car le moi a une existence propre et distincte, et quoique parfaitement un et simple, il contient en soi une infinie variété d’opérations. Le moi serait donc tout au plus une collection de modes ; mais une collection est une abstraction, une unité toute mathématique, et le moi est une force réelle, une vivante unité. Le moi est donc banni sans retour de l’univers de Spinoza. C’est en vain que la conscience y réclame sa place ; une nécessité logique, inhérente à la nature du système, l’écarte et le chasse tour à tour de tous les degrés de l’existence.

Mais non-seulement Spinoza ne recule pas devant les difficultés que le sens commun oppose à son système, il semble quelquefois les provoquer lui-même et aller au-devant d’elles avec une sincérité et une hardiesse surprenantes.

Ainsi, c’est un point fondamental de sa théorie de la Substance, que nous n’en connaissons que deux attributs, savoir : la pensée et l’étendue. Il n’en démontre pas moins avec force que la Substance doit nécessairement renfermer une infinité d’attributs. C’est se préparer une énorme difficulté, et on ne supposera pas sans doute qu’un aussi subtil génie ne l’ait point aperçue. En tout cas, elle n’avait point échappé à la sollicitude affec-