Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/54

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l’âme humaine, par exemple, et le corps humain ne sont pas des Substances, des Êtres parfaits, c’est une nécessité absolue que l’âme et le corps soient des attributs ou des modes de la Substance.

Il est donc très-certain que Spinoza raisonne juste, et que l’exactitude de ses déductions est aussi incontestable que la sincérité de sa croyance. Mais, qu’est-ce à dire ? s’ensuit-il que Spinoza démontre en effet que l’âme humaine et le corps humain, que les âmes et les corps en général soient de purs modes de la Substance divine ? il s’en faut infiniment. Et d’abord il y a ici une question de mots qu’il faut éclaircir. Dans la langue de Spinoza, Substance veut dire Dieu. Lors donc que Spinoza prétend que l’âme et le corps ne sont point des substances, cela signifie tout simplement que l’âme et le corps ne sont pas des dieux. Ce ne sont pas non plus des attributs de Dieu, personne ne le contestera. Donc, dit Spinoza, ce sont des modes, des affections de la nature divine. Mais que signifie ce langage ? qu’entendez-vous par mode ? ce qui existe en une autre chose et est conçu par cette chose, c’est-à-dire ce qui n’existe pas en soi et n’est pas conçu par soi. À ce compte, je veux bien convenir avec vous que l’âme humaine est un mode, par où j’entends que l’âme humaine n’existe pas en soi et par soi. J’irai même jusqu’à dire comme vous que l’âme humaine est un mode de Dieu, entendant par là qu’elle existe en Dieu et est conçue par Dieu. Mais qu’y gagnera votre système ? De ce que l’âme humaine n’est pas Dieu, de ce qu’elle tient son être de Dieu, et en ce sens existe en Dieu, s’ensuit-il que l’âme humaine n’ait pas en soi un principe d’activité et d’individualité qui lui donne une existence distincte, durable et jus-