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INTRODUCTION


CRITIQUE


AUX ŒUVRES DE SPINOZA.




PREMIÈRE PARTIE. – EXPOSITION.


C’est une chose étrange que la destinée de la philosophie de Spinoza. Réprouvée par les plus grands esprits du dix-septième siècle, mal connue et presque oubliée au siècle suivant, la voilà qui ressuscite au temps de Lessing, et depuis plus de soixante ans exerce sur l’Allemagne et sur l’Europe entière une sorte de fascination.

Dès l’apparition des premiers écrits de Spinoza, les théologiens commencèrent l’attaque, et cela se conçoit. Né juif, Spinoza avait, dès l’âge de vingt ans, dépassé la loi de Moïse[1] et s’il la respecta toujours[2], son âme était incapable de s’y plier. De là cette rupture violente avec la synagogue, et ces haines implacables qui s’attachèrent à toute sa vie. Rentré en possession de sa liberté, Spinoza la voulut garder tout entière. Il aimait sincèrement le christianisme ; mais décidé à ne pas choisir entre les diverses Églises, il devait les avoir toutes contre lui. Cela explique les invectives et les anathèmes qui de tous les points de l’Europe vinrent fondre sur Spinoza, formidable concert d’accusations passion-

  1. Vie de Spinoza, par Colerus, dans notre tome II, pages 4, 8.
  2. Voyez le Traité Théologico-politique, chap. xvii.