Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/70

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pensée déterminée, comme pensée absolue et comme pensée relative, en un mot, comme pensée créatrice et naturante, et comme pensée créée et naturée.

Il faut donc bien entendre Spinoza, quand il ose affirmer que Dieu n’a ni entendement ni volonté. Il s’agit ici de Dieu considéré en soi, dans l’abstraction de sa nature absolue. À ce point de vue, la pensée de Dieu est absolument indéterminée. Mais ce n’est point à dire qu’elle ne se détermine pas : tout au contraire, il est dans sa nature de se déterminer sans cesse, et l’on peut dire strictement, au sens le plus juste de Spinoza, que s’il n’y avait pas en Dieu d’entendement, il n’y aurait pas de Pensée, tout comme il n’y aurait pas d’Étendue, si les corps, si un seul corps était absolument détruit[1].

Spinoza devait donc donner deux solutions au problème de la nature et de l’objet de la pensée divine. Recueillons la première de ces solutions ; la suite du système contiendra la seconde, et les éclaircira toutes deux en les unissant.

L’objet de la pensée divine, en tant qu’absolue, c’est Dieu lui-même, c’est-à-dire la Substance.

La pensée divine comprend-elle aussi les attributs de la Substance ? c’est un des points les plus obscurs de la métaphysique de Spinoza. D’une part, il ne semble pas qu’on puisse séparer la pensée de la Substance d’avec la pensée de ses attributs, puisque ces attributs sont inséparables de son essence. Mais il faut céder devant les déclarations expresses de Spinoza. Il soutient que l’idée de Dieu, qui est proprement l’idée des attributs de Dieu[2], n’est qu’un mode de la pensée divine, et à ce

  1. Lettre à Oldenburg, tome III, page 358.
  2. De Dieu, Propos. 30.