Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome I.djvu/9

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siens le même accueil que chez les dévots. Malebranche ne voit dans le système de Spinoza qu’une épouvantable chimère, et il s’emporte jusqu’à traiter l’auteur de misérable. Fénelon, Lami, Poiret, Jacquelot ne sont guère moins sévères. Leibnitz est de tous le plus modéré, peut-être parce qu’il est plus loin que les autres de Spinoza[1].

Au xviie siècle, Spinoza n’eut donc pas un seul partisan, un seul disciple considérable. On ne peut, en effet, compter pour tel ni Lucas[2], ni Saint-Glain[3], qui ne sont que des esprits forts, ou, comme on disait alors, des libertins. L’honnête Oldenburg est très-curieux de questions philosophiques ; mais il ne les entend qu’à moitié[4]. On ne peut prendre au sérieux un esprit aussi bizarre que Jean de Bredenburg, et Louis Meyer[5], qui est un autre homme, subtil, pénétrant, manque d’invention et de fécondité. Abraham Cuffeler a seul de l’importance[6] ; mais tout cela ne peut constituer une véritable école philosophique, et Spinoza nous apparaît dans ce coin obscur de la Hollande où il méditait l’Éthique, comme un penseur presque absolument isolé.

Ce n’est point à dire qu’il n’ait exercé aucune influence ; car l’influence philosophique ne se mesure pas

  1. Toutefois, dans les Essais de Théodicée, il maltraite fort Spinoza : « Cette mauvaise doctrine, propre tout au plus à éblouir le vulgaire, cette doctrine insoutenable et même extravagante. »
  2. Auteur de l’ouvrage très-rare intitulé : Vie et Esprit de M. Benoît de Spinoza, 1719, 109 pages in-8o.
  3. Auteur présumé de l’infidèle et grossière traduction du Théologico-politique, publiée tour à tour sous trois titres différents. — Voyez notre Notice bibliographique.
  4. Voyez ses lettres à Spinoza, particulièrement la lettre III. — Oldenburg, d’ailleurs, tout en aimant sincèrement Spinoza, repousse très-vivement les conséquences de son système. Voyez la lettre IX.
  5. Éditeur de Spinoza, auteur du livre, Philosophia Scripturæ interpres, qui a été réédité par Semler. Halæ, 1776, in-8o.
  6. Auteur de deux ouvrages spinozistes : Specimen artis ratiocinandi naturalis et artificialis ad pantosophiæ principia manuducens ; Hambourg, 1684. — Princip. Pantos., part. 2 et part. 3. Hambourg, 1684.