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TRAITÉ

en un autre endroit[1] que les lois universelles de la nature, par qui tout se fait et tout se détermine, ne sont rien autre chose que les éternels décrets de Dieu, qui sont des vérités éternelles et enveloppent toujours l’absolue nécessité[2]. Par conséquent, dire que tout se fait par les lois de la nature ou par le décret et le gouvernement de Dieu, c’est dire exactement la même chose. De plus, comme la puissance des choses naturelles n’est que la puissance de Dieu par qui tout se fait et tout est déterminé, il s’ensuit que tous les moyens dont se sert l’homme, qui est aussi une partie de la nature, pour conserver son être et tous ceux que lui fournit la nature sans qu’il fasse aucun effort, tout cela n’est qu’un don de la puissance divine, considérée comme agissant par la nature humaine ou par les choses placées hors de la nature humaine[3]. Nous pouvons donc très-bien appeler tout ce que la nature humaine fait par sa seule puissance pour la conservation de son être secours interne de Dieu ; et secours externe de Dieu tout ce qui arrive d’utile à l’homme de la part des causes extérieures. Il est aisé d’expliquer, à l’aide de ces principes, ce qu’il faut entendre par élection divine ; car personne ne faisant rien que suivant l’ordre prédéterminé de la nature, c’est-à-dire suivant le décret et le gouvernement de Dieu, il s’ensuit que personne ne peut se choisir une manière de vivre, ni rien faire en général que par une vocation particulière de Dieu, qui le choisit pour cet objet à l’exclusion des autres. Enfin, par fortune, j’entends tout simplement le gouvernement de Dieu, en tant qu’il dirige les choses par des causes extérieures et inopinées. Après ces éclaircissements, revenons à notre sujet et voyons

  1. Il semble évident que Spinoza désigne ici la première partie de l’Éthique (Propos. 16, 17, 29), et s’en réfère, sinon pour le lecteur, au moins pour lui-même, à la doctrine qu’il y a établie.
  2. Voyez Éthique, part. 1, Propos. 33 et ses deux Schol.
  3. Voyez Éthique, part. 2, Propos. 6, 48, 49, et le Schol. de cette dernière Proposition.