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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

que Dieu ait promis autre chose aux patriarches ou à leurs successeurs[1]. Dans la loi elle-même on ne trouve d’autre prix promis à l’obéissance que la continuation de la prospérité de l’empire et les autres avantages de ce genre ; et toute la punition de leur entêtement, de leur désobéissance au pacte fondamental, c’est la ruine de l’empire et les plus grands malheurs, mais temporels. Il ne faut point en être surpris ; car la fin de toute société, de tout gouvernement, c’est la sécurité et la commodité de la vie (je crois l’avoir déjà fait comprendre, mais je le prouverai plus clairement encore dans la suite de ce traité). Or l’État ne peut se maintenir que par des lois auxquelles tout citoyen soit tenu d’obéir ; et si vous supposez que les membres d’une société se dégagent des liens de la loi, la société est dissoute, et l’ordre détruit. Tout ce qui a pu être promis aux Hébreux comme prix de leur constante obéissance aux lois, c’est donc la sécurité[2] et les autres avantages de la vie ; et comme punition de leur endurcissement au mal, c’est la ruine de leur empire et les maux qui en sont les suites, sans parler des fléaux particuliers dont ils devaient être accablés par suite de leur dispersion ; mais ce n’est pas encore le moment de traiter à fond cette matière. Je me bornerai donc à ajouter que les lois du Vieux Testament n’ont été révélées ni établies que pour les Juifs ; car Dieu ne les ayant élus que pour former une société particulière et un empire, il fallait nécessairement qu’ils eussent des lois particulières. Quant aux autres nations, je ne suis pas bien certain que Dieu leur ait aussi donné des lois particulières, ni qu’il se soit manifesté à leurs législateurs comme aux prophètes des Hébreux, je veux dire sous les mêmes attributs avec lesquels ceux-ci se le représentaient ; mais je sais que l’Écriture enseigne que ces nations avaient aussi un empire et des lois qu’elles

  1. Voyez les Notes de Spinoza, note 5.
  2. Voyez les Notes de Spinoza, note 6.