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TRAITÉ

Dieu nous enseigne que Dieu est notre souverain bien, que la connaissance et l’amour de Dieu sont la fin dernière où il faut diriger tous nos actes. C’est là ce que l’homme charnel ne peut comprendre ; ces préceptes lui semblent choses vaines, parce qu’il n’a de Dieu qu’une connaissance imparfaite, parce qu’il ne trouve dans ce bien suprême qu’on lui propose rien de palpable, rien d’agréable aux sens, rien qui flatte la chair, source de ses plus vives jouissances, parce qu’enfin ce bien ne consiste que dans la pensée et dans le pur entendement. Mais pour ceux qui sont capables de comprendre qu’il n’y a rien dans l’homme de supérieur à l’entendement ni de plus parfait qu’une âme saine, je ne doute pas qu’ils n’en jugent tout autrement.

Nous avons expliqué ce qui constitue proprement la loi divine. Toutes les lois qui poursuivent un autre objet sont des lois humaines : à moins toutefois qu’elles ne soient consacrées par la révélation ; car sous ce point de vue, comme nous l’avons montré plus haut, elles se rapportent à Dieu ; et c’est dans ce sens que la loi de Moïse, tout en étant une loi particulière appropriée au génie particulier et à la conservation d’un seul peuple, peut être appelée Loi de Dieu ou loi divine. Nous croyons en effet que cette loi a reçu la consécration de la lumière prophétique.

Si nous considérons maintenant avec attention la nature de la loi divine naturelle, telle que nous l’avons définie tout à l’heure, nous reconnaîtrons : 1° qu’elle est universelle, c’est-à-dire commune à tous les hommes ; nous l’avons déduite en effet de la nature humaine prise dans sa généralité ; 2° qu’elle n’a pas besoin de s’appuyer sur la foi des récits historiques, quels que soient d’ailleurs ces récits. Car comme cette loi divine naturelle se tire de la seule considération de la nature humaine, on la peut également concevoir dans l’âme d’Adam et dans celle d’un autre individu quelconque, dans un solitaire et dans un homme qui vit avec ses semblables. Ce n’est