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TRAITÉ

Dieu et de l’aimer d’une âme vraiment libre, d’un amour pur et durable ; le châtiment de ceux qui violent cette loi, c’est la privation de ces biens, la servitude de la chair, et une âme toujours changeante et toujours troublée.

Ces quatre points bien établis, nous avons à résoudre les questions suivantes. 1° Pouvons-nous, par la lumière naturelle, concevoir Dieu comme un législateur, ou comme un prince qui prescrit aux hommes certaines lois ? 2° Qu’enseigne l’Écriture sainte touchant la lumière et la loi naturelles ? 3° Pour quelle fin a-t-on institué autrefois des cérémonies religieuses ? 4° À quoi sert de connaître l’histoire sacrée et d’y croire ? Nous traiterons la première et la seconde de ces questions dans le présent chapitre, les deux autres dans le suivant.

Il est aisé de résoudre la première de ces questions en considérant la nature de la volonté de Dieu, laquelle ne se distingue de son intelligence qu’au regard de l’esprit humain : en d’autres termes, la volonté de Dieu et son entendement ne sont qu’une seule et même chose[1], et toute la distinction qu’on y établit vient des idées que nous nous formons de l’entendement divin. Par exemple, quand nous ne sommes attentifs qu’à ce seul point, savoir : que la nature du triangle est contenue de toute éternité dans la nature divine, à titre de vérité éternelle, nous disons alors que Dieu a l’idée du triangle, ou bien qu’il entend la nature du triangle ; mais si nous venons à concevoir que la nature du triangle est ainsi contenue dans la nature divine par la seule nécessité de la nature divine, et non par la nécessité de l’essence et de la nature du triangle ; bien plus encore, si nous considérons que la nécessité de l’essence et des propriétés du triangle, prises comme des vérités éternelles, dépend de la seule nécessité de la nature et de l’entendement divin, et non

  1. Voyez Éthique, part. 1, Propos. 32 et ses Coroll. ; part. 2, Propos. 49 avec son Coroll. et son Schol.