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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

J’ajoute que l’Écriture sainte ne nous donne point les définitions des choses, pas plus que ne fait la nature. D’où il suit qu’il faut déduire ces définitions des récits que l’Écriture nous présente sur chaque sujet, de même que, pour obtenir les définitions des choses naturelles, on les tire de l’examen des actions diverses de la nature. Voici donc finalement la règle générale pour interpréter les livres saints : n’attribuer à l’Écriture aucune doctrine qui ne ressorte avec évidence de son histoire.

Or comment doit se faire l’histoire de l’Écriture, et à quels récits doit-elle principalement s’attacher ? c’est ce que je vais expliquer à l’instant même.

I. Elle doit premièrement expliquer la nature et les propriétés de la langue dans laquelle les livres saints ont été écrits, et qui a été parlée par leurs auteurs. À cette condition seule, on pourra découvrir tous les sens que chaque passage peut admettre d’après les habitudes du langage ordinaire. Or, comme tous les écrivains tant de l’Ancien Testament que du Nouveau sont Juifs, il s’ensuit que l’histoire de la langue hébraïque est nécessaire avant toute autre, non-seulement pour l’intelligence des livres de l’Ancien Testament, qui ont été écrits dans cette langue, mais même pour celle du Nouveau ; par la raison que les livres de l’Évangile, bien qu’ils aient été répandus dans d’autres langues, n’en sont pas moins pleins d’hébraïsmes.

II. L’histoire de l’Écriture doit, en second lieu, recueillir les sentences de chaque livre, et les réduire à un certain nombre de chefs principaux, afin qu’on puisse voir d’un seul coup d’œil la doctrine de l’Écriture sur chaque matière. Il faut aussi noter avec soin les pensées obscures et ambiguës qui s’y rencontrent, et celles qui semblent se contredire l’une l’autre. On distinguera une pensée obscure d’une pensée claire, suivant que le sens en sera difficile ou aisé pour la raison, d’après le texte même du discours. Car il ne s’agit que du sens des paroles sacrées, et point du tout de leur vérité. Et ce qu’il y a de plus à