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TRAITÉ

universellement reconnus comme divins ont été rassemblés en un seul corps. Voilà ce que doit renfermer l’histoire de l’Écriture. Pour distinguer, en effet, les pensées qui ont le caractère d’une loi de celles qui renferment simplement un enseignement moral, il est nécessaire de connaître la vie, les mœurs et les études de l’écrivain sacré. Ajoutez qu’il est d’autant plus facile d’interpréter les paroles d’un auteur que l’on connaît mieux son tour d’esprit et son caractère. De même, pour ne pas confondre les préceptes éternels de la loi de Dieu avec ceux qui n’ont rapport qu’à un certain temps et à un petit nombre d’hommes, il importe de ne point ignorer à quelle occasion, en quel temps, pour quelle nation et quelle époque ces préceptes ont été écrits. C’est enfin une chose indispensable de remplir toutes les autres conditions que nous avons indiquées, non-seulement pour établir l’authenticité de chaque livre, mais pour savoir si des mains adultères n’en ont pas altéré le texte, si des erreurs ne s’y sont point glissées, si les corrections convenables ont été faites par des hommes capables et dignes de foi. Toutes ces précautions, je le répète, sont nécessaires pour quiconque ne veut s’attacher dans l’Écriture qu’à ce qui est certain et indubitable, au lieu de se jeter aveuglément sur tout ce qui lui est présenté.

Quand nous aurons ainsi établi solidement l’histoire de l’Écriture, et pris la ferme résolution de n’y rien reconnaître comme doctrine des prophètes qui ne résulte de cette histoire et n’en puisse être très-clairement déduit, le moment sera venu alors de nous attacher à l’interprétation des prophètes et de l’Esprit-Saint. Ici l’ordre qu’il faut suivre, la méthode qu’il convient d’appliquer sont exactement les mêmes qu’on emploie pour interpréter la nature, d’après son histoire. Car, comme dans l’étude de la nature on commence par les choses les plus générales et qui sont communes à tous les objets de l’univers, c’est à savoir, le mouvement et le repos, leurs lois et leurs