Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/269

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vons nous demander si les apôtres ont écrit leurs épîtres à titre de prophètes, d’après une révélation et un mandat exprès, comme Moïse, Jérémie et les autres, ou s’ils les ont écrites à titre de docteurs et de simples particuliers. Ce doute est d’autant plus fondé que dans l’Épître I aux Corinthiens (chap. XIV, vers. 6), Paul indique deux genres de prédication : l’un fondé sur la révélation, l’autre sur la science. De là vient la difficulté de savoir si les apôtres parlent dans leurs épîtres comme prophètes ou comme docteurs. Or, si nous voulons faire attention au style des Épîtres, nous trouverons qu’il est fort éloigné du style de la prophétie. C’était en effet une chose familière aux prophètes que de déclarer partout qu’ils parlaient au nom de Dieu ; et de là ces expressions : Dieu dit, le Dieu des armées dit, la parole de Dieu, etc. ; et ce langage ne semble pas seulement avoir été usité dans les discours publics des prophètes, mais encore dans celles de leurs épîtres qui contenaient des révélations : comme on le voit dans l’épître d’Élie à Joram (voyez liv. II des Paral., chap. XXI, vers. 12) qui commence aussi par ces mots : Dieu dit. Mais dans les Épîtres des apôtres nous ne lisons rien de semblable ; au contraire, dans la Ire aux Corinthiens (chap. VII, vers. 40), Paul dit expressément qu’il parle selon l’inspiration personnelle de ses sentiments. On trouve même en un très-grand nombre de passages des locutions qui témoignent d’un esprit de doute et d’irrésolution, comme (Épître aux Romains, chap. III, vers. 28) ces expressions : nous pensons donc[1] ; et (au chap. VIII, vers. 18) c’est que je pense, et plusieurs autres semblables. Outre cela, on trouve d’autres locutions bien éloignées de l’autorité prophétique, telles que celles-ci : Je dis ceci en homme faible, et non pas par commandement (voyez Épît. I aux Corinthiens, chap. VII, vers. 6) ; et encore : Je donne mon avis comme un homme qui est fidèle par la grâce de Dieu (même chap., vers. 25) ; on pourrait

  1. Voyez les Notes marginales de Spinoza, note 26.