Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/277

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ses voies particulières ; on peut s’en assurer par ces paroles de Paul (Épître aux Romains, chap. XV, vers. 20) : M’efforçant de prêcher là où n’avait pas encore été invoqué le nom du Christ, afin de ne pas édifier sur des fondements étrangers. Certes, si les apôtres n’avaient eu qu’une seule et même manière d’enseigner, s’ils avaient tous édifié la religion chrétienne sur le même fondement, il n’y avait pas de raison pour que Paul pût dire que les fondements d’un autre apôtre étaient des fondements étrangers, puisque ç’auraient été les mêmes que les siens. Mais puisqu’il les appelle étrangers, il faut conclure nécessairement que chacun d’eux édifia la religion sur des fondements particuliers, et qu’il arriva aux apôtres dans leur mission de docteurs ce qui arrive aux docteurs ordinaires, qui ont chacun une manière d’enseigner qui leur est propre, de telle sorte qu’ils aiment toujours mieux enseigner ceux qui sont tout à fait ignorants et qui n’ont commencé à apprendre sous aucun maître les langues ou même les sciences mathématiques dont la vérité n’est mise en doute par personne. Ensuite, si nous parcourons les Épîtres avec quelque attention, nous verrons que les apôtres sont d’accord sur la religion elle-même, mais qu’ils sont loin de l’être sur ses fondements. Car Paul, voulant confirmer les hommes dans la religion et leur montrer que le salut dépend de la seule grâce de Dieu, a enseigné que personne ne peut se glorifier de ses œuvres, mais de la foi seule, et que personne ne peut se justifier par ses œuvres (voyez Épître aux Romains, chap. III, vers. 27, 28), et a développé toute cette doctrine sur la prédestination. Jacques dit, au contraire, dans son Épître, que l’homme se justifie par ses œuvres et non pas seulement par la foi (voyez son Épître, chap. II, vers. 24) ; et il comprend en très-peu de mots toute la doctrine de la religion, après avoir mis de côté toutes ces discussions spéculatives de Paul. Ensuite il n’est pas douteux que c’est pour avoir édifié la religion sur divers fondements que les apôtres ont