Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/278

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donné lieu à ces nombreuses discordes et à ces schismes qui, depuis eux, ont sans cesse déchiré l’Église, et qui certainement continueront de la déchirer, jusqu’à ce qu’enfin la religion soit dégagée un jour des spéculations philosophiques, et ramenée à ce petit nombre de dogmes très-simples que le Christ a enseignés à ses disciples. Cela fut impossible aux apôtres, parce que l’Évangile était inconnu aux hommes, et que, pour éviter d’offenser leurs oreilles par la nouveauté de ses doctrines, ils approprièrent cet enseignement, autant que cela pouvait se faire, à l’esprit du temps (voyez Épître I aux Corinthiens, chap. IX, vers. 19, 20, etc.), et l’édifièrent ainsi sur les principes les plus connus à cette époque et les plus vulgairement reçus. C’est pourquoi il n’est pas un apôtre qui ait plus philosophé que Paul, appelé particulièrement à prêcher les gentils. Mais les autres qui prêchèrent les Hébreux, c’est-à-dire un peuple contempteur de la philosophie, s’accommodèrent aussi à leur esprit sur ce point (voyez Épître aux Galates, chap. II, vers. 11, etc.), et enseignèrent la religion dégagée des spéculations philosophiques. Et certes notre siècle serait bien heureux, s’il était libre aussi de toute superstition.


CHAPITRE XII.


DU VÉRITABLE ORIGINAL DE LA LOI DIVINE, ET POUR QUELLE RAISON L’ÉCRITURE EST APPELÉE SAINTE ET PAROLE DE DIEU. — ON PROUVE ENSUITE QU’EN TANT QU’ELLE CONTIENT LA PAROLE DE DIEU, ELLE EST PARVENUE SANS CORRUPTION JUSQU’À NOUS.


Ceux qui considèrent la Bible, telle que nous l’avons aujourd’hui, comme une sorte de lettre que Dieu, du haut du ciel, a écrite aux hommes, s’écrieront indubitablement que j’ai commis un péché envers l’Esprit-Saint, moi qui ai soutenu que cette parole de Dieu est vicieuse, tronquée, altérée et pleine de discordances, que nous n’en possédons que des fragments, et que l’original du pacte que Dieu a fait avec les Juifs a péri. Mais je ne