Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/303

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qu’on ne doit les juger que par les œuvres qu’ils produisent.

Il ne faut donc comprendre dans la foi catholique que les points strictement nécessaires pour produire l’obéissance à Dieu, ceux par conséquent dont l’ignorance conduit nécessairement à l’esprit de rébellion ; pour les autres, chacun, se connaissant soi-même mieux que personne, en pensera ce qu’il lui semblera convenable, selon qu’il les jugera plus ou moins propres à le fortifier dans l’amour de la justice. C’est le moyen, je pense, de bannir toute controverse du sein de l’Église. Maintenant je ne crains plus d’énumérer les dogmes de la foi universelle, ou les dogmes fondamentaux de l’Écriture, lesquels (comme cela résulte très-évidemment de ce que j’ai exposé dans ces deux chapitres) doivent tous tendre à cet unique point, savoir : qu’il existe un Être suprême qui aime la justice et la charité, à qui tout le monde doit obéir pour être sauvé, et qu’il faut adorer par la pratique de la justice et la charité envers le prochain. On détermine ensuite facilement toutes les autres vérités, savoir : 1° qu’il y a un Dieu, c’est-à-dire un Être suprême, souverainement juste et miséricordieux, le modèle de la véritable vie ; car celui qui ne sait pas ou qui ne croit pas qu’il existe ne peut lui obéir ni le reconnaître comme juge ; 2° qu’il est unique, car c’est une condition, de l’aveu de tout le monde, rigoureusement indispensable pour inspirer la suprême dévotion, l’admiration et l’amour envers Dieu ; car c’est l’excellence d’un être par-dessus tous les autres qui fait naître la dévotion, l’admiration et l’amour ; 3° qu’il est présent partout et que tout lui est ouvert ; car si l’on pensait que certaines choses lui sont cachées, ou si l’on ignorait qu’il voit tout, on douterait de la perfection de sa justice, qui dirige tout ; on ignorerait sa justice elle-même ; 4° qu’il a sur toutes choses un droit et une autorité suprêmes ; qu’il n’obéit jamais à une autorité étrangère, mais qu’il agit toujours en vertu de son absolu bon plaisir et de sa grâce singulière ; car tous les