Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/315

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autorité de l’Écriture sur des démonstrations mathématiques ; car l’autorité de la Bible dépend de l’autorité des prophètes, et on ne saurait conséquemment la démontrer par des arguments plus forts que ceux dont se servaient ordinairement les prophètes pour la persuader à leur peuple ; et nous ne saurions nous-mêmes asseoir notre certitude à cet égard sur aucune autre base que celle sur laquelle les prophètes faisaient reposer leur certitude et leur autorité. Nous avons en effet démontré que la certitude des prophètes consiste en ces trois choses, savoir : 1° une vive et distincte imagination ; 2° des signes ; 3° enfin et surtout, une âme inclinée au bien et à l’équité. N’ayant point d’autres raisons pour appuyer leur propre croyance, ils ne pouvaient en employer d’autres pour démontrer leur autorité, et au peuple à qui ils parlaient alors de vive voix, et à nous à qui ils parlent maintenant par écrit. Quant à ce premier fait, savoir, que les prophètes imaginaient vivement les choses, eux seuls pouvaient le constater, de manière que toute notre certitude sur la révélation ne peut et ne doit être fondée que sur ces deux circonstances, les signes et la doctrine. C’est aussi ce que Moïse enseigne expressément : car, dans le Deutéronome, chapitre XXVIII, il ordonne que le peuple obéisse au prophète qui a fait paraître un véritable signe au nom de Dieu, mais pour ceux qui ont fait de fausses prédictions, les eussent-ils faites au nom de Dieu, il veut qu’on les punisse de mort tout aussi bien que le séducteur qui aura voulu détourner le peuple de la vraie religion ; on en usera ainsi à son égard, eût-il confirmé son autorité par des signes et des prodiges : voyez à ce sujet le Deutéronome, chapitre XIII ; d’où il résulte que le vrai prophète se distingue du faux à la fois par la doctrine et par les miracles. Celui-là, en effet, est pour Moïse le vrai prophète, à qui on peut croire sans aucune crainte d’être trompé. Quant à ceux qui ont fait de fausses prédictions, bien qu’ils les aient faites au nom de Dieu, ou qui ont prêché les faux dieux, eussent-ils accompli de vrais mi-