Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/328

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de gouvernement, parce que cela entrait tout à fait dans le projet que j’avais de traiter des avantages de la liberté dans une république. Je ne parlerai donc pas des fondements des autres États. On n’a pas besoin, pour connaître leur droit, de constater leur origine, laquelle d’ailleurs résulte clairement de ce que nous avons tout à l’heure expliqué : car quiconque a le souverain pouvoir, qu’il n’y ait qu’un maître, qu’il y en ait plusieurs, ou enfin que tous commandent, a certainement le droit de commander tout ce qu’il veut ; et d’ailleurs quiconque a transféré à un autre, soit volontairement, soit par contrainte, le droit de se défendre, a renoncé tout à fait à son droit naturel, et s’est engagé conséquemment à une obéissance absolue et illimitée envers son souverain, obéissance qu’il doit tenir tant que le roi ou les nobles, ou le peuple, gardent la puissance qu’ils ont eue, laquelle a servi de fondement à la translation des droits de chacun. Il serait donc superflu d’insister sur cette matière[1].

Après avoir montré les fondements et le droit de l’État, il sera facile de déterminer ce que sont, dans l’ordre civil, le droit civil privé, le dommage, la justice et l’injustice ; ensuite, dans l’ordre politique, ce que c’est qu’un allié, un ennemi, et enfin un criminel de lèse-majesté. Par le droit civil privé nous ne pouvons entendre que la liberté qu’a chacun de se conserver en son état, liberté déterminée par les édits du souverain, en même temps qu’elle est garantie par son autorité ; car, lorsque nous avons transféré à un autre le droit que nous possédons de vivre à notre gré, lequel n’est déterminé pour chacun de nous que par le degré de puissance qui lui appartient, en d’autres termes, lorsque nous avons remis à un autre la liberté et le pouvoir de nous défendre, nous ne dépendons plus que de sa volonté et nous n’avons plus que sa force pour nous protéger. — Il y a dommage lorsqu’un ci-

  1. Sur toute cette théorie du droit, voyez l’Éthique, part. IV, défin. VIII, schol. II de la propos. XXXVII, etc., etc.