Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/348

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même la nécessité d’un chef commun cessa de se faire sentir, les hommes des différentes tribus étant, grâce à cette distribution, les uns par rapport aux autres, moins des concitoyens que des alliés. Relativement à Dieu et à la religion, ils devaient être considérés comme des concitoyens ; relativement aux droits d’une tribu sur l’autre, comme de simples alliés. Les tribus étaient toutes semblables en cela (à l’exception du temple qui leur était commun) aux États confédérés des Hollandais. Qu’est-ce en effet que la division en différentes parties d’un bien commun, si ce n’est la possession exclusive par chacun de la portion qui lui échoit, et de la part des autres l’abandon volontaire de leurs droits sur cette même portion ? Voilà pourquoi Moïse élut des chefs de tribu. Il voulut qu’après la division de l’État, chaque chef veillât sur les intérêts des siens, consultât Dieu, par l’intermédiaire du souverain pontife, sur les affaires de sa tribu, commandât l’armée, fondât et fortifiât les villes, établît des juges dans chaque cité, repoussât ses ennemis particuliers, administrât tout ce qui concerne la paix et la guerre, enfin, qu’il n’y eût point d’autre juge que Dieu pour chaque chef[1], Dieu, dis-je, et les prophètes expressément envoyés par lui. Un chef abandonnait-il la loi de Dieu, les autres tribus devaient, non pas le juger comme un sujet, mais en tirer vengeance comme d’un ennemi qui aurait manqué à la foi des traités. Nous en avons des exemples dans l’Écriture. Après la mort de Josué, les fils d’Israël, et non pas un nouveau général des armées, consultèrent Dieu. Il fut répondu que la tribu de Juda devait la première faire invasion chez les ennemis qui lui étaient particuliers. Elle fit donc alliance avec la tribu de Siméon pour envahir avec leurs forces réunies leurs ennemis communs ; les autres tribus restèrent en dehors de cette alliance (voyez les Juges, chap. I, II, III). Chacune et séparément (comme nous l’avons raconté dans le précédent

  1. Voyez les Notes marginales de Spinoza, note 34.