Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/349

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chapitre) fit la guerre contre ses ennemis particuliers, et, selon son bon plaisir, reçut les soumissions de tels ou tels peuples, bien que les décrets de Dieu défendissent d’en épargner aucun, à quelque condition que ce fût, et ordonnassent de tout exterminer. Cette infraction est blâmée, à la vérité, mais on ne voit pas que personne ait appelé en jugement les tribus coupables. Ce n’était pas là en effet un motif suffisant pour les Hébreux de lever les armes contre eux-mêmes et de s’immiscer les uns dans les affaires des autres. Quant à la tribu de Benjamin, qui avait outragé le reste de la nation et brisé le lien de la paix, au point que personne ne pût trouver chez elle une hospitalité sûre, les autres tribus la traitèrent en ennemie, envahirent son territoire, et, victorieuses enfin après trois combats, enveloppèrent tout, coupables et innocents, dans un massacre sur lequel elles répandirent ensuite des larmes tardives.

Ces exemples confirment pleinement ce que nous avons dit du droit de chaque tribu. Mais peut-être quelqu’un demandera qui choisissait le successeur du chef de tribu. Sur ce point il est impossible de rien recueillir de certain dans la Bible. Voici toutefois ce que je conjecture. Chaque tribu était divisée en familles, et les chefs de famille étaient choisis parmi les vieillards de chaque famille ; le plus ancien parmi ces derniers succédait au chef de la tribu. N’est-ce pas, en effet, parmi les anciens que Moïse se choisit soixante-dix conseillers qui formaient avec lui l’assemblée suprême ? Ceux qui, après la mort de Josué, eurent l’administration de l’État ne sont-ils pas appelés du nom de vieillards dans l’Écriture ? Les Hébreux n’appellent-ils pas sans cesse les juges les anciens ? Et tout le monde ne sait-il pas cela ? Mais, pour le but que nous nous proposons, il importe peu d’éclaircir ce point ; il suffit que nous ayons montré qu’après la mort de Moïse, personne ne remplit les fonctions de chef suprême absolu. Puisque, en effet, ce n’était ni la volonté d’un seul homme, ni celle d’une seule assemblée, ni celle