Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/361

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un miracle s’accomplit en témoignage de sa mission, et les rebelles sont tous exterminés. De là une nouvelle sédition à laquelle prend part le peuple entier, persuadé que la cause de la mort des siens, c’est moins le jugement de Dieu que l’artifice de Moïse. Celui-ci ne parvint à calmer le peuple qu’après qu’une horrible peste l’eut abattu, à ce point que la mort lui paraissait préférable à la vie. La sédition cessa plutôt que la concorde ne s’établit. C’est ce qu’atteste l’Écriture dans le Deutéronome (chap. XXXIII, vers. 21), où Dieu, après avoir prédit à Moïse que le peuple, après sa mort, sera infidèle au vrai culte, ajoute : Je connais les passions du peuple, je sais ce qu’il médite en son esprit, maintenant que je ne l’ai pas encore conduit dans la terre que je lui ai promise par serment. Et peu après, Moïse dit lui-même au peuple : Je connais votre cœur rebelle et votre esprit séditieux. Si pendant ma vie vous vous êtes révoltés contre Dieu, combien plus le ferez-vous après ma mort ! Et c’est en effet ce qui arriva, comme cela est assez connu. De là de grands changements, une licence effrénée, le luxe et la paresse, et par suite toutes choses inclinant à leur ruine, jusqu’à ce que le peuple, plusieurs fois réduit en servitude, rompit brusquement avec le droit divin et réclama un roi mortel, voulant substituer au temple une cour véritable, et fonder la confédération des tribus, non plus sur le droit divin et le pontificat, mais sur le pouvoir royal. Mais ce nouveau gouvernement ouvrit la porte à de nouvelles séditions, qui amenèrent finalement la ruine de l’État. Qu’y a-t-il en effet de moins supportable aux rois qu’une autorité précaire, et une puissance rivale au sein même de leur puissance ? Les premiers qui furent élevés de la condition privée à la royauté furent satisfaits de leur nouvelle dignité ; mais leurs fils, qui montèrent sur le trône par droit de légitime succession, peu à peu modifièrent toutes les institutions, afin de s’approprier le pouvoir entier, qui leur échappait en partie, tant que les lois ne dépendaient pas de leur volonté, mais