Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/381

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un devoir pour tous de demeurer fidèles, même à un tyran, à moins qu’il n’y ait un citoyen auquel Dieu a promis contre lui par une révélation non équivoque un secours particulier. Personne ne doit donc s’autoriser de l’exemple des disciples du Christ, à moins d’avoir reçu la puissance d’opérer des miracles ; ce qui est rendu plus manifeste encore par ces paroles du Christ à ses disciples : Ne craignez point ceux qui tuent les corps (voyez Matthieu, chap. XVI, vers. 28) ; car si ces paroles s’adressaient à tout le monde, c’en serait fait de tout gouvernement, et ce mot de Salomon (Proverbes, chap. XXIV, vers. 21) : Mon fils, craignez Dieu et le roi, serait un mot impie, ce qui est complètement absurde. D’où il faut nécessairement conclure que l’autorité dont le Christ a investi ses disciples fut donnée à eux seuls en particulier, et que c’est là un exemple dont personne ne peut être reçu à s’autoriser. Quant aux raisons sur lesquelles nos adversaires s’appuient pour séparer le droit sacré du droit civil, et prouver que l’un appartient au souverain, et l’autre à l’Église universelle, je n’en tiens aucun compte ; elles sont trop frivoles pour mériter une réfutation. Ce que je ne passerai point sous silence, c’est la misérable erreur de ceux qui, pour confirmer leur séditieuse opinion (qu’on me pardonne la dureté de ce mot), citent à l’appui l’exemple du souverain pontife des Hébreux, qui eut autrefois entre les mains le droit d’administrer les choses sacrées. Comme si les pontifes n’avaient pas reçu ce droit de Moïse (qui, nous l’avons montré ci-dessus, se réserva à lui seul la souveraine autorité), et n’avaient pas pu en être dépouillés par un simple décret de Moïse ! Lui-même n’élut-il pas non-seulement Aharon, mais le fils d’Aharon, Éléazar, et jusqu’à son petit-fils Pineha, et ne leur confia-t-il pas lui-même l’administration du pontificat, qu’ensuite les pontifes conservèrent, mais de telle manière qu’ils parurent toujours n’être que des substituts de Moïse, c’est-à-dire du souverain ? En effet, ainsi que nous l’avons déjà montré, Moïse ne se choisit aucun