Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/423

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CHAPITRE II.

DU DROIT NATUREL.

1. Dans notre Traité théologico-politique nous avons défini le droit naturel et civil[1], et dans notre Éthique nous avons expliqué ce que c’est que péché, mérite, justice, injustice[2], et enfin en quoi consiste la liberté humaine[3] ; mais, pour que le lecteur n’ait pas la peine d’aller chercher ailleurs des principes qui se rapportent essentiellement au sujet du présent ouvrage, je vais les développer une seconde fois et en donner la démonstration régulière.

2. Toutes les choses de la nature peuvent être également conçues d’une façon adéquate, soit qu’elles existent, soit qu’elles n’existent pas. De même donc que le principe en vertu duquel elles commencent d’exister ne peut se conclure de leur définition, il en faut dire autant du principe qui les fait persévérer dans l’existence. En effet, leur essence idéale, après qu’elles ont commencé d’exister, est la même qu’auparavant ; par conséquent, le principe qui les fait persévérer dans l’existence ne résulte pas plus de leur essence que le principe qui les fait commencer d’exister ; et la même puissance dont elles ont besoin pour commencer d’être, elles en ont besoin pour persévérer dans l’être. D’où il suit que la puissance qui fait être les choses de la nature, et par conséquent celle qui les fait agir, ne peut être autre que l’éternelle puissance de Dieu. Supposez, en effet, que ce fût une autre puissance, une puissance créée, elle ne pourrait se conserver elle-même, ni par conséquent conserver les

  1. Voyez le Traité théologico-politique, ch. xvi.
  2. Voyez l’Ethique, part. 4, Scholie de la Proposition 37.
  3. Voyez l’Ethique, part. 2, Propos. 48, 49, et le Schol. de la Propos. 49.