Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/432

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et obéissance la volonté constante de modérer ses appétits selon les prescriptions de la raison ; à quoi je consentirais volontiers, si la liberté de l’homme consistait dans la licence de l’appétit et sa servitude dans l’empire de la raison. Mais comme la liberté humaine est d’autant plus grande que l’homme est plus capable d’être conduit par la raison et de modérer ses appétits, ce n’est donc qu’improprement que nous pouvons appeler obéissance la vie raisonnable, et péché ce qui est en réalité impuissance de l’âme et non licence, ce qui fait l’homme esclave plutôt que libre. Voyez les articles 7 et 11 du présent chapitre.

21. Toutefois comme la raison nous enseigne à pratiquer la piété et à vivre d’un esprit tranquille et bon, ce qui n’est possible que dans la condition sociale, et en outre, comme il ne peut se faire qu’un grand nombre d’hommes soit gouverné comme par une seule âme (ainsi que cela est requis pour constituer un État), s’il n’a un ensemble de lois instituées d’après les prescriptions de la raison, ce n’est donc pas tout à fait improprement que les hommes, accoutumés qu’ils sont à vivre en société, ont appelé péché ce qui se fait contre le commandement de la raison. Maintenant pourquoi ai-je dit (à l’article 18 de ce chapitre) que, dans l’état de nature, l’homme, s’il pèche, ne pèche que contre soi-même, c’est ce qui sera éclairci bientôt (au chapitre IV, articles 4 et 5), quand je montrerai dans quel sens nous pouvons dire que celui qui gouverne l’État et tient en ses mains le droit naturel est soumis aux lois et peut pécher.

22. Pour ce qui regarde la religion, il est également certain que l’homme est d’autant plus libre et d’autant plus soumis à lui-même qu’il a plus d’amour pour Dieu et l’honore d’un cœur plus pur. Mais en tant que nous considérons, non pas l’ordre de la nature qui nous est inconnu, mais les seuls commandements de la raison touchant les choses religieuses, en tant aussi que nous remarquons que ces mêmes commandements nous sont révélés par Dieu au dedans de nous-mêmes, et ont été