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TRAITÉ

Une observation essentielle qu’il faut faire d’abord, c’est que les Juifs ne font jamais mention des causes moyennes ou particulières. Par religion, par piété, ou, comme on dit, par dévotion, ils recourent toujours à Dieu. Le gain qu’ils font dans leur commerce est un présent de Dieu ; s’ils éprouvent un désir, c’est Dieu qui y dispose leur cœur ; s’ils conçoivent une idée, c’est Dieu qui leur a parlé. Par conséquent, il ne faut point croire qu’il y ait prophétie ou connaissance surnaturelle toutes les fois que l’Écriture dit que Dieu a parlé ; il faut que le fait de la révélation divine y soit marqué expressément, ou qu’il résulte des circonstances du récit.

Il suffit de parcourir les livres sacrés pour reconnaître que toutes les révélations de Dieu aux prophètes se sont accomplies ou par paroles ou par figures, ou par ces deux moyens à la fois ; et ces moyens étaient, ou réels et placés hors de l’imagination du prophète, qui voyait les figures ou entendait les paroles, ou bien imaginaires, l’imagination du prophète étant disposée de telle sorte qu’il lui semblât entendre des paroles articulées ou voir des signes.

La voix dont Dieu se servit pour révéler à Moïse, les lois qu’il voulait donner aux Hébreux était une voix véritable ; cela résulte des paroles de l’Exode (chap. XXV, vers. 22) : Et tu me trouveras là, et je te parlerai de l’endroit qui est entre les deux chérubins. Ce qui prouve bien que Dieu parlait à Moïse d’une voix véritable ; puisque Moïse[1] trouvait Dieu prêt à lui parler, partout où il voulait l’entendre. Du reste, je prouverai tout à l’heure que cette voix, par qui la loi fut révélée, est la seule qui ait été une voix réelle.

Je serais porté à croire que la voix dont Dieu se servit pour appeler Samuel était véritable, par ces paroles (chap. III, dernier verset) : Dieu apparut encore à Samuel en Shilo, s’étant manifesté à Samuel en Shilo par sa parole.

  1. Voyez les Notes de Spinoza, note 3.