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TRAITÉ

Jésus-Christ aux apôtres et qu’il est la voie du salut, et enfin que Dieu ne donna pas l’ancienne loi immédiatement, mais par le ministère d’un ange, etc. De sorte que si Moïse s’entretenait avec Dieu face à face, comme un homme avec son égal (c’est-à-dire par l’intermédiaire de deux corps), c’est d’âme à âme que Jésus-Christ communiquait avec Dieu.

Je dis donc que personne, hormis Jésus-Christ, n’a reçu des révélations divines que par le secours de l’imagination, c’est-à-dire par le moyen de paroles ou d’images, et qu’ainsi, pour prophétiser, il n’était pas besoin de posséder une âme plus parfaite que celle des autres hommes, mais seulement une imagination plus vive, ainsi que je le montrerai plus clairement encore dans le chapitre suivant. Il s’agit maintenant d’examiner ce que les saintes lettres entendent par ces mots : l’esprit de Dieu descendu dans les prophètes, les prophètes parleront selon l’esprit de Dieu. Pour cela, nous devons premièrement rechercher ce que signifie le mot hébreu ruagh, que le vulgaire interprète par le mot esprit.

Dans le sens naturel, le mot ruagh signifie, comme on sait, vent, et bien qu’il ait plusieurs autres significations, toutes se ramènent à celle-là ; car il se prend pour signifier : 1o le souffle, comme dans le psaume cxxxi, vers. 17 : « Aussi il n’y a point d’esprit dans leur bouche ; » 2o la respiration, comme, dans Samuel (I, chap. xxx, vers. 12) : « Et l’esprit lui revint », c’est-à-dire il respira ; 3o le courage et les forces, comme dans Josué (chap. ii, vers. 2) : « Et aucun homme ne conserva l’esprit » ; de même dans Ézéchiel (chap. ii, vers. 2) : « Et l’esprit me revint (c’est-à-dire la force), et me fit tenir ferme sur mes pieds ; » 4o la vertu et l’aptitude, comme dans Job (chap. xxxii, vers. 9) : « Et certes l’esprit est dans tous les hommes, » c’est-à-dire il ne faut pas chercher exclusivement la science dans les vieillards, car je trouve qu’elle dépend de la vertu et de la capacité particulière de chaque homme ; de même dans les Nombres (chap. xxviii, vers. 18) : « Cet homme en qui