Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/17

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou créée par une autre substance. Or, il a été établi d’un autre côté (par la Propos. 14) qu’aucune autre substance que Dieu ne peut exister ni se concevoir ; d’où nous avons conclu que la substance étendue est un des attributs infinis de Dieu. Mais, pour que la chose soit plus complètement expliquée, je réfuterai ici les arguments de mes adversaires, lesquels reviennent à ceci : premièrement, la substance corporelle, en tant que substance, se compose, suivant eux, de parties, et c’est pourquoi ils nient qu’elle puisse être infinie, et conséquemment appartenir à Dieu. C’est ce qu’ils expliquent par beaucoup d’exemples. J’en rapporterai quelques-uns : si la substance corporelle est infinie, disent-ils, concevez-la divisée en deux parties ; chaque partie sera finie ou infinie. Dans le premier cas, l’infini se composera de deux parties finies, ce qui est absurde. Dans le second cas, on aura un infini double d’un autre infini, ce qui est également absurde. De plus, si on évalue une quantité infinie en parties égales à un pied, elle devra se composer d’un nombre infini de telles parties, tout comme si on l’évaluait en parties égales à un pouce. Et par conséquent, un nombre infini sera douze fois plus grand qu’un autre nombre infini. Enfin, concevez que d’un point A appartenant à une étendue infinie on fasse partir deux lignes AB, AC, lesquelles s’éloignent d’abord l’une de l’autre d’une distance fixe et déterminée BC. Si vous les prolongez à l’infini, cette distance s’augmentant de plus en plus deviendra indéterminable, de déterminée qu’elle était. Toutes ces absurdités résultant, selon l’opinion de nos adversaires, de la supposition qu’on a faite d’une quantité infinie, ils concluent que la substance corporelle est finie, et par conséquent qu’elle n’appartient pas à l’essence de Dieu. — Leur second argument est tiré de la perfection suprême de Dieu. Dieu, dit-on, étant l’être souverainement parfait, ne peut pâtir. Or, la substance corporelle peut pâtir, en tant que divisible, d’où il suit qu’elle n’appartient pas à l’essence de Dieu. Tels sont