Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/18

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les arguments que je lis dans les auteurs qui ont voulu établir que la substance corporelle est indigne de la nature divine et ne peut lui appartenir. Mais en vérité, si l’on veut bien y prendre garde sérieusement, on verra que j’ai déjà répondu à tout cela, puisque tous ces arguments se fondent uniquement sur ce point, que la substance corporelle est composée de parties, supposition dont j’ai déjà montré l’absurdité (voir la Propos. 12 et le Coroll. de la Propos. 13). J’ajouterai qu’à bien considérer la chose, les conséquences absurdes (sont-elles toutes absurdes, c’est de quoi je ne dispute pas encore) dont on se sert pour établir que la substance corporelle est finie, ne viennent point du tout de ce qu’on a supposé une quantité infinie, mais de ce qu’on a supposé que cette quantité infinie était mesurable et composée de parties finies ; et c’est pourquoi tout ce qui résulte des absurdités où conduit cette supposition, c’est qu’une quantité infinie n’est pas mesurable et ne peut se composer de parties. Or, c’est justement ce que nous avons démontré plus haut (Propos. 12, etc.). De façon que nos adversaires se blessent eux-mêmes avec les armes dirigées contre nous. Que si de cette absurdité, qui est leur ouvrage, ils prétendent conclure néanmoins que la substance étendue doit être finie, ils font véritablement comme un homme qui donnerait au cercle les propriétés du carré, et conclurait de là que le cercle n’a pas de point central d’où se puissent mener à la circonférence des lignes égales. Ils supposent en effet que la substance corporelle, laquelle ne se peut concevoir que comme infinie, unique et indivisible (voyez les Propos. 8, 10 et 12) est composée de parties finies, qu’elle est multiple et divisible, le tout pour conclure que cette substance est finie. C’est ainsi que d’autres raisonneurs, après avoir imaginé la ligne comme un composé de points, savent trouver une foule d’arguments pour montrer qu’elle ne peut être divisée à l’infini. Et à vrai dire, il n’est pas moins absurde de supposer la substance corporelle formée de corps ou