Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/229

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L’essieu du monde ploie ainsi qu’un brin de saule
La terre ivre a perdu son chemin dans le ciel ;
L’aimant déconcerté ne trouve plus son pôle.

Le Christ, d’un ton railleur, tord l’éponge de fiel
Sur les lèvres en feu du monde à l’agonie,
Et Dieu, dans son Delta, rit d’un rire cruel.

Quand notre passion sera-t-elle finie ?
Le sang coule avec l’eau de notre flanc ouvert,
La sueur rouge teint notre face jaunie.

Assez comme cela ! nous avons trop souffert ;
De nos lèvres, Seigneur, détournez ce calice,
Car pour nous racheter votre Fils s’est offert.

Christ n’y peut rien : il faut que le sort s’accomplisse ;
Pour sauver ce vieux monde il faut un Dieu nouveau,
Et le prêtre demande un autre sacrifice.

Voici bien deux mille ans que l’on saigne l’Agneau ;
Il est mort à la fin, et sa gorge épuisée
N’a plus assez de sang pour teindre le couteau.

Le Dieu ne viendra pas. L’Église est renversée.