Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/248

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Ses madones n’ont pas, empreint sur leur beauté,
Ce cachet de candeur et de sérénité.
Leur bouche rit souvent d’un sourire profane,
Et parfois sous la vierge on sent la courtisane,
On sent que Raphaël, lorsqu’il les dessina,
Avait, passé la nuit, chez la Fornarina.
Ces Allemands ont seuls fait de l’art catholique,
Ils ont parfaitement compris la Basilique ;
Rien de grossier en eux, rien de matériel ;
Leurs tableaux sont vraiment les purs miroirs du ciel.
Seuls ils ont le secret de ces divins sourires
Si frais, épanouis aux lèvres des martyres ;
Seuls ils ont su trouver pour peupler les arceaux,
Pour les faire reluire aux mailles des vitraux,
Les vrais types chrétiens. Dépouillant le vieil homme,
Seuls ils ont abjuré les idoles de Rome.
Auprès d’Albert Durer Raphaël est païen :
C’est la beauté du corps, c’est l’art italien,
Cet enfant de l’art grec, sensuel et plastique,
Qui met entre les bras de la Vénus antique,
Au lieu de Cupidon, le divin Bambino ;
Aucun d’eux n’est chrétien, ni Domenichino,
Ni le Caro Dolci, ni Corrége, ni Guide,
L’antiquité profane est le fil qui les guide ;
Apollon sert de type à l’ange saint Michel ;
Le Jupiter tonnant devient Père Éternel ;
La tunique latine est taillée en étole,
Et l’on fait une église avec le Capitole.
J’en excepte pourtant Cimabué, Giotto,
Et les maîtres Pisans du vieux Campo Santo.
Ceux-là ne peignaient pas en beaux pourpoints de soie,
Entre des cardinaux et des filles de joie ;
Dans des villa de marbre, aux chansons des castrats,
Ceux-là n’épousaient point des nièces de prélats.