Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/288

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Pensée de minuit



Une minute encor, madame, et cette année,
Commencée avec vous, avec vous terminée,
Ne sera plus qu’un souvenir.
Minuit ! voilà son glas que la pendule sonne,
Elle s’en est allée en un lieu d’où personne
Ne peut la faire revenir.

Quelque part, loin, bien loin, par delà les étoiles,
Dans un pays sans nom, ombreux et plein de voiles,
Sur le bord du néant jeté ;
Limbes de l’impalpable, invisible royaume
Où va ce qui n’a pas de corps ni de fantôme,
Ce qui n’est rien, ayant été ;

Où va le son, où va le souffle ; où va la flamme,
La vision qu’en rêve on perçoit avec l’âme,
L’amour de notre cœur chassé ;
La pensée inconnue éclose en notre tête ;
L’ombre qu’en s’y mirant dans la glace on projette ;
Le présent qui se fait passé ;