Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/294

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La Chanson de Mignon
1833



« Ange de poésie, ô vierge blanche et blonde,
Tu me veux donc quitter et courir par le monde ?
Toi qui, voyant passer du seuil de la maison
Les nuages du soir sur le rouge horizon,
Contente d’admirer leurs beaux reflets de cuivre,
Ne t’es jamais surprise à les désirer suivre ;
Toi, même au ciel d’été, par le jour le plus bleu,
Frileuse Cendrillon, tapie au coin du feu,
Quel grand désir te prend, ô ma folle hirondelle !
D’abandonner le nid et de déployer l’aile ?

« Ah ! restons tous les deux près du foyer assis,
Restons ; je te ferai, petite, des récits,
Des contes merveilleux, à tenir ton oreille
Ouverte avec ton œil tout le temps de la veille.
Le vent râle et se plaint comme un agonisant ;
Le dogue réveillé hurle au bruit du passant ;
Il fait froid : c’est l’hiver ; la grêle à grand bruit fouette
Les carreaux palpitants, la rauque girouette,
Comme un hibou criaille au bord du toit pointu.
Où veux-tu donc aller ?

                                  « — Ô mon maître, sais-tu