Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/296

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À faire de pitié rire les monuments.
L’un avec son lorgnon, collant le nez aux fresques,
Tâche de trouver beaux tes damnés gigantesques,
Ô pauvre Michel-Ange, et cherche en son cahier
Pour savoir si c’est là qu’il doit s’extasier ;
L’autre, plus amateur de ruines antiques,
Ne rêve que frontons, corniches et portiques,
Baise chaque pavé de la Via Lata,
Ne croit qu’en Jupiter et jure par Vesta ;
De mots italiens fardant leurs rimes blêmes,
Ceux-ci vont arrangeant leur voyage en poèmes,
Et sur de grands tableaux font de petits sonnets.
Artistes et dandys, roturiers, baronnets,
Chacun te tire aux dents, belle Italie antique,
Afin de remporter un pan de ta tunique !

« — Restons, car au retour on court risque souvent
De ne retrouver plus son vieux père vivant,
Et votre chien vous mord, ne sachant plus connaître
Dans l’étranger bruni celui qui fut son maître :
Les cœurs qui vous étaient ouverts se sont fermés,
D’autres en ont la clef, et dans vos mieux aimés
Il ne reste de vous qu’un vain nom qui s’efface.
Lorsque vous revenez vous n’avez plus de place :
Le monde où vous viviez s’est arrangé sans vous,
Et l’on a divisé votre part entre tous.
Vous êtes comme un mort qu’on croit au cimetière
Et qui, rompant un soir le linceul et la bière,
Retourne à sa maison, croyant trouver encor
Sa femme tout en pleurs et son coffre plein d’or ;
Mais sa femme a déjà comblé la place vide,
Et son or est aux mains d’un héritier avide ;
Ses amis sont changés, en sorte que le mort,
Voyant qu’il a mal fait et qu’il est dans son tort,