Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/368

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Le cheval de bataille à la croupe tigrée,
Secouant dans les cieux sa crinière effarée,
Les foule avec ses durs sabots ;
Et le lâche vainqueur, dans sa rage brutale,
Sur leur ventre appuyant sa poudreuse sandale,
Tire à lui leurs derniers lambeaux.

Bientôt du haut des monts les vautours au col chauve,
Les corbeaux vernissés, les aigles à l’œil fauve,
L’orfraie au regard clandestin,
Les loups se balançant sur leurs échines maigres,
Les renards, les chacals, accourront, tout allègres,
Prendre leur part au grand festin.

Le splendide banquet réparera leurs jeûnes ;
Ô misère ! ô douleur ! tous ces corps frais et jeunes,
Ces beaux seins, d’un si pur contour,
Faits pour les chauds baisers d’une amoureuse bouche,
Fouillés par le museau de l’hyène farouche,
Piqués par le bec du vautour !

Cessez de vains efforts, ô braves amazones !
À quoi vous sert d’avoir, ainsi que des Bellones,
Le casque grec empanaché,
La cuirasse de fer de clous d’or étoilée,
Si votre main trop faible, au fort de la mêlée,
Lâche votre glaive ébréché ?

Votre armure faussée, entre ces bras robustes,
Comme un mince carton s’aplatit sur ces bustes
Où le poil pousse en plein terrain ;
Avec ces forts lutteurs, les plus puissantes armes,
Ô guerrières ! seraient les appas et les charmes
Cachés sous vos corsets d’airain.