Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 1.djvu/382

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Vous sentez à l’épaule une pénible haleine,
Un souffle intermittent, comme d’une âme en peine
Qu’on aurait éveillée et qui vous poursuivrait.

Et si l’humidité fait des yeux de la voûte,
Larmes du monument, tomber l’eau goutte à goutte,
Il semble qu’on dérange une ombre qui pleurait.

Chaque fois que la vis, en tournant, se dérobe,
Sur la dernière marche un dernier pli de robe,
Irritante terreur, brusquement disparaît.

Bientôt le jour, filtrant par les fentes étroites,
Sur le mur opposé trace des lignes droites,
Comme une barre d’or sur un écusson noir.

L’on est déjà plus haut que les toits de la ville,
Édifices sans nom, masse confuse et vile,
Et par les arceaux gris le ciel bleu se fait voir.

Les hiboux disparus font place aux tourterelles,
Qui lustrent au soleil le satin de leurs ailes
Et semblent roucouler des promesses d’espoir.

Des essaims familiers perchent sur les tarasques,
Et, sans se rebuter de la laideur des masques,
Dans chaque bouche ouverte un oiseau fait son nid.

Les guivres, les dragons et les formes étranges
Ne sont plus maintenant que des figures d’anges,
Séraphiques gardiens taillés dans le granit,

Qui depuis huit cents ans, pensives sentinelles,
Dans leurs niches de pierre, appuyés sur leurs ailes,
Montent leur faction qui jamais ne finit.