RÊVE
Toute la nuict je ne pense qu’en celle
Qui ha le cors plus gent qu’une pucelle
De quatorze ans.
Voici ce que j’ai vu naguère en mon sommeil :
Le couchant enflammait à l’horizon vermeil
Les carreaux de la ville ; et moi, sous les arcades
D’un bois profond, au bruit du vent et des cascades,
Aux chansons des oiseaux, j’allais, foulant des fleurs
Qu’un arc-en-ciel teignait de changeantes couleurs.
Soudain des pas légers froissent l’herbe ; une femme,
Que j’aime dès longtemps du profond de mon âme,
Comme une jeune fée accourt vers moi ; ses yeux
À travers ses longs cils luisent de plus de feux
Que les astres du ciel ; et sur la verte mousse
À mes lèvres d’amant livrant une main douce,
Elle rit, et bientôt enlacée à mes bras
Me dit, le front brûlant et rouge d’embarras,
Ce mot mystérieux qui jamais ne s’achève…
Ô nuit trompeuse ! Hélas ! pourquoi n’est-ce qu’un rêve ?