Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/140

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Cet arbre qui soutient tant de nids sur ses branches,
Cet arbre épais et vert, frais et riant à l’œil,
Dans son tronc renversé l’on taillera des planches,
Les planches dont un jour on fera mon cercueil !

Cette étoupe qu’on file et qui, tissée en toile,
Donne une aile au vaisseau dans le port engourdi,
À l’orgie une nappe, à la pudeur un voile,
Linceul, revêtira mon cadavre verdi !

Ce fer que le mineur cherche au fond de la terre
Aux brumeuses clartés de son pâle fanal,
Hélas ! le forgeron quelque jour en doit faire
Le clou qui fermera le couvercle fatal !

À cette même place où mille fois peut-être
J’allai m’asseoir, le cœur plein de rêves charmants,
S’entr’ouvrira le gouffre où je dois disparaître,
Pour descendre au séjour des épouvantements !


Manche, 1843.