SAINT CHRISTOPHE D’ÉCIJA
ai vu dans Écija, vieille ville moresque,
Aux clochers de faïence, aux palais peints à fresque,
Sous les rayons de plomb du soleil étouffant,
Un colosse doré qui portait un enfant.
Un pilier de granit, d’ordre salomonique,
Servait de piédestal au vieillard athlétique ;
Sa colossale main sur un tronc de palmier
S’appuyait largement et le faisait plier ;
Et tous ses nerfs roidis par un effort étrange,
Comme ceux de Jacob dans sa lutte avec l’ange,
Semblaient suffire à peine à soutenir le poids
De ce petit enfant qui tenait une croix !
« Quoi ! géant aux bras forts, à la poitrine large,
Tu te courbes vaincu par cette faible charge,
Et ta dorure, où tremble une fauve lueur,
Semble fondre et couler sur ton corps en sueur !
— « Ne sois pas étonné si mes genoux chancellent,
Si mes nerfs sont raidis, si mes tempes ruissellent.
Certes, je suis de bronze et taillé de façon
À passer les vigueurs d’Hercule et de Samson !