Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/202

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« Ah ! comme il serait doux pour notre âme ravie
D’être unis dans la mort ainsi que dans la. vie,
De conserver nos rangs comme au jour du combat
Et de sentir encore, au contact électrique
D’une poussière aimée ou d’un crâne héroïque,
Notre cœur desséché qui revit et qui bat !

« Le soleil de Juillet, le soleil tricolore,
Dans le ciel triomphal va rayonner encore :
Réunissez nos os pour ce jour solennel !
Qu’on nous donne un tombeau digne de Babylone,
Tout bronze et tout granit, quelque haute colonne
Avec nos noms gravés et le chiffre immortel !

« Car il ne fut jamais de plus noble victoire,
Et toute gloire est terne auprès de notre gloire !
Phalange au cœur stoïque et désintéressé ;
Contre le fait brutal, contre la force injuste,
Nous soutenions les droits de la pensée auguste,
Soldats de l’avenir combattant le passé ! »


II

Soyez satisfaits, morts illustres,
Votre jour sera bien fêté ;
Vous pouviez attendre deux lustres,
Ayant à vous l’éternité !
Mais la France a bonne mémoire ;
Sa main fidèle à toute gloire
Garde du marbre et de l’airain ;
Et les corps criblés de mitrailles
Ont de plus riches funérailles
Que n’en aurait un souverain !