Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 2, Lemerre, 1890.djvu/49

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Comme l’arche d’un pont son dos faisait la voûte,
Ses pieds endoloris, tout gonflés par la goutte.
        Chancelaient sous son poids.
Ses mains pâles tremblaient ; ainsi tremblent les vagues,
Sous les baisers du Nord, et laissaient fuir leurs bagues
        Trop larges pour ses doigts.

Tout ce luxe, ce fard sur cette face creuse,
Formait une alliance étrange et monstrueuse.
        C’était plus triste à voir
Et plus laid, qu’un cercueil chez des filles de joie,
Qu’un squelette paré d’une robe de soie,
        Qu’une vieille au miroir.

Confiant à la nuit son amoureuse plainte,
Il attendait devant une fenêtre éteinte,
        Sous un balcon désert.
Nul front blanc ne venait s’appuyer au vitrage,
Nul soleil de beauté ne montrait son visage
        Au fond du ciel ouvert.

Dis, que fais-tu donc là, vieillard, dans les ténèbres,
Par une de ces nuits où les essaims funèbres
        S’envolent des tombeaux ?
Que vas-tu donc chercher si loin, si tard, à l’heure
Où l’Ange de minuit au beffroi chante et pleure
        Sans page et sans flambeaux ?

Tu n’as plus l’âge où tout vous rit et vous accueille,
Où la vierge répand à vos pieds, feuille à feuille,
        La fleur de sa beauté.
Et ce n’est plus pour toi que s’ouvrent les fenêtres ;
Tu n’es bon qu’à dormir auprès de tes ancêtres
        Sous un marbre sculpté.