Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/123

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D’un reflet rouge illuminée,
La bande se chauffe les doigts
Et fait cercle à la cheminée
Où tout à coup flambe le bois.

L’image au sépulcre ravie
Perd son aspect raide et glacé ;
La chaude pourpre de la vie
Remonte aux veines du Passé.

Les masques blafards se colorent
Comme au temps où je les connus.
Ô vous que mes regrets déplorent,
Amis, merci d’être venus !

Les vaillants de dix-huit cent trente,
Je les revois tels que jadis.
Comme les pirates d’Otrante
Nous étions cent, nous sommes dix.

L’un étale sa barbe rousse
Comme Frédéric dans son roc ;
L’autre superbement retrousse
Le bout de sa moustache en croc.

Drapant sa souffrance secrète
Sous les fiertés de son manteau,
Pétrus fume une cigarette
Qu’il baptise papelito.

Celui-ci me conte ses rêves,
Hélas ! jamais réalisés,
Icare tombé sur les grèves
Où gisent les essors brisés ;