Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


IV

CLAIR DE LUNE SENTIMENTAL


À travers la folle risée
Que Saint-Marc renvoie au Lido,
Une gamme monte en fusée,
Comme au clair de lune un jet d’eau…

À l’air qui jase d’un ton bouffe
Et secoue au vent ses grelots,
Un regret, ramier qu’on étouffe,
Par instants mêle ses sanglots.

Au loin, dans la brume sonore,
Comme un rêve presque effacé,
J’ai revu, pâle et triste encore,
Mon vieil amour de l’an passé.

Mon âme en pleurs s’est souvenue
De l’avril où, guettant au bois
La violette à sa venue,
Sous l’herbe nous mêlions nos doigts…

Cette note de chanterelle,
Vibrant comme l’harmonica,
C’est la voix enfantine et grêle,
Flèche d’argent qui me piqua.