Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/51

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Dans sa gaîne mon couteau bouge ;
Allons ! qui veut de l’incarnat ?
À son jabot qui veut du rouge
Pour faire un bouton de grenat ?

Le sang dans les veines s’ennuie,
Car il est fait pour se montrer ;
Le temps est noir, gare la pluie !
Poltrons, hâtez-vous de rentrer.

Sortez, vaillants ! sortez, bravaches !
L’avant-bras couvert du manteau,
Que sur vos faces de gavaches
J’écrive des croix au couteau !

Qu’ils s’avancent ! seuls ou par bande,
De pied ferme je les attends.
À ta gloire il faut que je fende
Les naseaux de ces capitans.

Au ruisseau qui gêne ta marche
Et pourrait salir tes pieds blancs,
Corps du Christ ! je veux faire une arche
Avec les côtes des galants.

Pour te prouver combien je t’aime,
Dis ! je tuerai qui tu voudras ;
J’attaquerai Satan lui-même,
Si pour linceul j’ai tes deux draps.

Porte sourde !… Fenêtre aveugle !…
Tu dois pourtant ouïr ma voix ;
Comme un taureau blessé je beugle,
Des chiens excitant les abois !