Page:Œuvres de Théophile Gautier - Poésies, Volume 3, Lemerre, 1890.djvu/96

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Et des armures peu bégueules
Rappellent, dardant leur boisson,
Les lions lampassés de gueules
Blasonnés sur leur écusson.

D’une voix encore enrouée
Par l’humidité du caveau,
Max fredonne, ivresse enjouée,
Un lied, en treize cents, nouveau ;

Albrecht, ayant le vin féroce,
Se querelle avec ses voisins,
Qu’il martèle, bossue et rosse,
Comme il faisait des Sarrasins ;

Échauffé, Fritz ôte son casque,
Jadis par un crâne habité,
Ne pensant pas que sans son masque
Il semble un tronc décapité.

Bientôt ils roulent pêle-mêle
Sous la table, parmi les brocs,
Tête en bas, montrant la semelle
De leurs souliers courbés en crocs.

C’est un hideux champ de bataille,
Où les pots heurtent les armets,
Où chaque mort, par quelque entaille,
Au lieu de sang, vomit des mets.

Et Biorn, le poing sur la cuisse,
Les contemple, morne et hagard,
Tandis que, par le vitrail suisse,
L’aube jette son bleu regard.